Archives (Lettres A), 2023

Porcelaine, encre / A partir de recherches en résidence à La Maison Lamourelle, Carcassonne / Production Espace Jacques Villeglé, Saint-Gratien.



Les historiens spécialistes de Carcassonne, sollicités pour amorcer le travail en résidence, annoncèrent rapidement que de cette ville on ne sait que très peu. Les interprétations et controverses se sont substituées aux archives qui ont été brûlées au moins trois fois durant son histoire. Notamment par un acte révolutionnaire, où les sans-culottes sont allés piller la Tour du Trésau où ces documents étaient conservés, pour les mettre au feu sur la place publique.
Conjointement, dans la résidence La Maison Lamourelle, une pièce entière était dédiée à une collection de casses typographiques. L’excès de lettrages d’un côté, le manque d’Histoire de l’autre. Et en arrière-plan, la texture granuleuse et friable du grès composant néanmoins solidement les doubles fortifications de la ville, dont les strates donnent à lire nettement plusieurs périodes et une urbanisation particulièrement ancienne. L’histoire y est dense et sensible, mais partiellement inaccessible.
Les caractères typographiques, imprimés dans la terre, s’affolent, affluent, saturent ces feuillets d’argile en une texture illisible, qui réagit aux bains de fluide encré. L’encre oscille entre matériau d’écriture et matière noire de suie, ravivant l’ambivalence de ce feu destructeur, qui inscrivit une date dans l’Histoire révolutionnaire. Aussi granuleux que le grès, ces feuillets s’accrochent au mur, ils le désignent, et contrent la tentative de récit par l’affirmation d’une énigme ou d’un mutisme. Ils peuvent autant s’aligner, que se disséminer de manière lacunaire, ou composer une partie de la silhouette de la Tour du Trésau.