Bourgeon, 2021

Interventions à l’échelle du quartier Ferrié, Laval, et sur la durée de son chantier de réhabilitation / Résidence-mission CLEA, Ville de Laval, Laval Mayenne Aménagement, DRAC Pays de la Loire.



Cette résidence-mission CLEA à Laval vise à accompagner la réhabilitation du quartier Ferrié, ancienne enceinte militaire, en un espace à habiter. Le déploiement d’un dessin à l’échelle du quartier exprime ses dynamiques et mutations à l’image de celles d’un arbre : par croissance et ramification. A partir de la référence au grand marronnier malade qui devra être abattu, le projet artistique prolonge sa mémoire dans tout le quartier, et donne à lire le projet urbain à travers le prisme de la métaphore végétale : l’ambition d’un éco-quartier (forte présence de la végétation, matériau bois, etc.) ; l’ouverture d’une zone militaire fortifiée vers un réseau urbain de circulations fluides, invitant à de multiples possibilités de cheminement ; un nouveau lieu de vie à habiter, impliquant la création d’un réseau humain.
La commande intégrait la référence au marronnier. Bien que malade, cet arbre centenaire donne à voir ses bourgeons, prémices de renouveau et de perpétuation. Le dessin figure les embranchements contenus à l’intérieur d’un bourgeon de marronnier : les feuilles repliées dans ce germe préfigurent la forme déployée de l’arbre et permettent la croissance de tiges. On sait également qu’un bourgeon mis sous terre peut devenir racine d’un nouvel arbre.


Bourgeon 1 : pose d’adhésif sur murs, sols, fenêtres, mobiliers, dans une dizaine de sites.
La gestualité du graphisme transcrit la vitalité du bourgeon ; et sa prolifération rhizomatique redouble les flux de transformations traversant l’espace en chantier. Tel un processus biologique, ce dessin matriciel est mis en croissance et en réseau, par sa multiplication numérique, et par son extension sur site grâce à la participation de publics dans un acte collectif. Le dessin-source peut s’amplifier et s’agencer de multiples manières, il s’ouvre à des jeux de répétitions et de variations, à l’image d’une croissance végétale et d’un chantier urbain dont les évolutions ne sont pas pleinement prévisibles. En procédant par découpage et assemblage des adhésifs imprimés du dessin, les opérations de fragmentation et de mise en lien rejouent aussi certains principes de la conception urbaine du quartier (mosaïque de fragments et liaisons).
L’activation du dessin met en acte un maillage social et donne à voir les transformations de l’éco-quartier : cette appropriation visuelle et gestuelle permet aux habitants de se “rapprocher” (physiquement et mentalement) de cette zone “blanche” auparavant inaccessible et qui est destinée à devenir un espace de vie et d’habitation. Le dessin du bourgeon lui-même bourgeonne et participe du bourgeonnement du quartier en construction. Et la résidence pose les premières pierres de ce projet artistique qui continuera de bourgeonner sur toute la durée du chantier.
La présence invasive de l’oeuvre apparaît d’abord au passant comme une énigme, qu’il retrouve de multiples fois au fil de sa marche. Des indices sur des panneaux disséminés lui ouvrent peu à peu une perception plus globale.


Bourgeon 2 : Oeuvre nomade conservée par le Service Patrimoine de Laval pour prêts et libres réactivations.
Le dessin imprimé sur bâche peut être pris en main même par de jeunes enfants, pour transformer provisoirement l’espace : assembler, répandre, ramasser, déplacer, marcher dessus comme des chemins, mettre en relief, s’y cacher, s’y abriter, seul ou à plusieurs, interagir avec les autres…


Bourgeon 3 : Le dessin-source est détouré pour produire des pochoirs modulables. Au fil des 10 à 15 ans du chantier de restructuration, les nouvelles zones verront leurs voies piétonnes peintes par les habitants pour donner lieu à un dessin ramifié à l’échelle du quartier. Par l’intermédiaire d’un dessin qui se transforme et transforme l’espace urbain, les habitants rejouent un acte de transformation collective qui marque et accompagne celui du chantier et devient prémices d’une habitation et cohabitation en son sein. Le dessin peint sur le cheminement piéton participe d’un trajet d’appropriation et en constitue une trace qui rappelle cet acte symbolique. Lors d’un rendez-vous annuel, tel un rituel constituant à long terme une histoire, une mémoire collective, ce jeu avec les matrices graphiques sera activé avec les habitants, comme une manière d’interpréter les nouveaux espaces configurés et offerts à “habiter”, de les mettre en scène sur leur lieu même. Le projet urbain “raconte une histoire” que surligne le dessin et auquel il superpose sa propre dynamique, nourrie des propositions des participants qui font autant la ville. Ces lignes irruptives invitent ainsi les usagers-visiteurs à une lecture plurielle et active. Les marcheurs sont saisis sur leur trajet par la présence de ces flux sous leurs pas qui les en dévient aussi vers d’autres cheminements et rythmes possibles. La peinture, bien que durable (10 ans), s’altèrera néanmoins progressivement, manifestant les différents “âges” des zones peintes, et les différentes densités de passages. Soit l’altération ira jusqu’à la disparition, soit de nouvelles opérations de peinture seront organisées, actualisant l’interprétation au regard des nouvelles données, et constituant un palimpseste urbain, donnant au quartier récemment renouvelé une dimension visiblement historique.