Poros 1, 2, 3, 4, 2017-2018

Poros 1, 2017, installation, papier imprimé du dessin Pierre de lave ? (Audierne), céramique (grès noir) / Exposition Poros, Galerie Anne Perré, Rouen / Après une résidence en Islande (Fresh winds, Gardur).
Poros 2, 2018, installation, papier imprimé du dessin Pierre de lave ? (Audierne), céramiques (faïence rouge émaillée noir et blanc) / Exposition Terrain vague, commissaire Stéphanie Le Follic-Hadida, Centre Tignous d’art contemporain, Montreuil.
Poros 3, 2018, installation, papier imprimé du dessin Pierre de lave ? (Audierne), céramiques (faïence rouge émaillée noir et blanc) / Exposition Encore un peu…, Espace GT, Marseille.
Poros 4, 2018, installation, papier imprimé du dessin Pierre de lave ? (Audierne), céramiques (faïence rouge émaillée noir et blanc) / Exposition Stratum/s, Galerie G, La Garde.



Souvenir d’Islande : à la surface poreuse d’une pierre de lave, persiste la dynamique du magma souterrain en même temps que l’énigme de son existence indicible.
L’installation POROS manifeste des passages, continuités et ambiguïtés : entre le dessin, la sculpture et l’écriture, comme entre le minéral et le vivant, le pesant et le volatile. Que serait faire l’expérience de l’épaisseur stratifiée d’un dessin limaçant, rocailleux, errant, poreux, et de mots incarnés, striés, piquants, creusés, lacunaires, volatiles, qui prennent de l’espace comme le ferait le son ? Que serait pouvoir circuler entre des lettres disséminées, s’y perdre, en être presque touché, jusqu’à ouvrir l’écho en soi de ses propres mots, inventés, gardés, oubliés ? La ligne s’anime dans ses dérives hors du papier, devenant tels des mollusques, planctons, plantes proliférantes, gorgées de mots illisibles, ou telle une étendue de continents, îlots, volcans, vacillant depuis les failles et rencontres saillantes des plaques tectoniques.


Notes en résidence / Fresh winds, Islande, Gardur : « Arrivée en Islande en milieu d’après-midi, c’est-à-dire à la tombée de la nuit, c’est-à-dire presque dans le noir… Je commence à dessiner à l’encre noire des pierres de lave noires ramassées en chemin. Les grands amas résiduels de neige, blanc froid, blanc qui tranche, se creusent en limace ou se fracturent sur le noir du paysage. La plage couverte de noir, le grondement refroidi des volcans. A travers la surface poreuse d’une pierre de lave, réactiver dans le regard l’inquiétude souterraine. »


Stéphanie Le Follic-Hadida, catalogue d’exposition Terrain Vague, Centre Tignous d’art contemporain, Montreuil, 2018.
« Entre le dessin, la sculpture et l’écriture, l’installation Poros 2 manifeste une topographie énigmatique composée de passages, de continuités et de ruptures. Poros 2 livre un univers hybride à situer entre le minéral et le vivant, le pesant et le volatile, le végétal et le géologique. Anaïs Lelièvre part d’un dessin originel diversement réalisé au crayon ou au stylo dont elle se sert comme matrice pour le développement de la future installation in situ. Tour à tour réduit ou agrandi par photocopie, le dessin est multiplié autant que nécessaire. L’installation repose sur ce principe de reproduction d’un élément unique. Elle intègre dans son processus de fabrication le rythme structurel du cumul (en strates multiples) ou de la dispersion (isolement de détails) et parvient ainsi à induire une infinie variété d’impressions et le sentiment paradoxal d’une pluralité. L’installation prend appui sur la spatialité dévolue (sol, mur, plafond) et vit au rythme de cette palpitation. »


Entre dessin, performance, sculpture et installation, un même fond impulse et relie chaque pièce comme des îles (ces îles désertes qui, dans les mots de Deleuze, surgissent, se séparent, disparaissent et reviennent), chaque médium se cherchant transversalement dans l’autre où il n’est pas. Aussi, les dessins tendent-ils vers une dimension sculpturale, et les céramiques se strient-elles d’un geste rythmique que Leroi-Gourhan excavait à l’origine du graphisme (Le Geste et la parole). Percussion, incise, grattage sans charge d’encre, mais chargés d’ombres versatiles, font saillir en lumière des présences indéfinies, entre pierres de lave spongieuses, volcans déracinés, mollusques craquelés, coraux entre roc et fluide. Cette matérialité métamorphique, limaçante et rocailleuse, pointue parce que creusée, vient encore dire quelque chose de la densité poreuse et épaisse du langage tel un « trou […] sur le bout de la langue » (Liliane Giraudon).