Punctum 1, 2021

Installation, modules en papier imprimé du dessin Rouille de machine (Bourges-Le Subdray), chemin transparent délimité / Résidence DRAC Centre-Val-de-Loire, Lycée agricole Bourges-Le Subdray / Lien vidéo.



Le métal, constructeur de très hautes charpentes, d’armes tranchantes, de machines performantes, autant que soumis à sa désagrégation en rouille, que l’on peut néanmoins poncer et lisser pour réparer, récupérer, réutiliser. Le premier jour de la résidence, l’approche de l’exploitation agricole fut marquée par la vue de machines rouillées jonchant au dehors, d’une présence énigmatique dans la logique de leurs rouages, et leur statut de vestiges du contexte immédiat ainsi que de choses en attente. La puissance des machines agricoles qui se fragilisent. La rouille qui creuse la forme, l’effrite, la décompose. Entre pointe et trouée, avancée et retrait. Dans ces pics, la synthèse d’expériences multiples du lieu : la pointe comme outil de dessin, outil agricole (creuser, retourner…), armement élémentaire, pousse végétale, poussée gothique, manifestation architecturale. Schématiser la forme et son principe. Du papier au lieu de métal. Aspect d’armature métallique. Mais un toucher instable, vacillant. Lorsque l’on m’a conduite, à travers champs, de la gare de Bourges jusqu’au lycée agricole au Subdray, les paroles étaient toutes entières orientées vers l’histoire et l’actualité de l’activité militaire, production et tests d’armes, aviation et secousses : il ne fallait pas se trouver dans certains champs à certaines heures. Aussi, ai-je entendu dans une émission sur l’entreprise d’armement locale : « C’est sur le site du Subdray, dans une forêt près de Bourges, qu’on peut voir les produits finis ». Dans cette forêt où j’allais, je n’ai rien vu. La menace diffuse et pointue de l’invisible.


La cathédrale de Bourges, hauteur imposante et fragile : la multiplication vertigineuse des pinacles affirmant une poussée vers les hauteurs autant qu’un possible déséquilibre ; les pierres crevassées et fissurées composant encore des muralités ; les chutes et renforts, la perte de la flèche, l’effondrement de la tour Nord et sa reconstruction ; et le redoublement de la structure architectonique par des murs d’échafaudages pour sa restauration actuelle. L’architecture formée de ce que dynamise sa détérioration. La forme ambivalente de la pointe, puissance et finesse, percée et basculement. Le récit de l’activité militaire que l’on m’a conté en traversant dès la première fois la douce étendue des champs fertiles du Berry. Production d’armes et de missiles, stockage dans les forêts à proximité, essais de tirs dans les champs. Vibrations micro-sensibles quotidiennes. La coexistence dans un même espace, entre les champs visibles et invisibles, de la poussée, croissance, vitalité, issues de la production agricole, et du danger potentiel de l’armement guerrier. Croisant architecture, agriculture et armement, la coprésence d’une force ambitieuse de transformation à l’épreuve de risques, et d’une fragilité d’existence qui est aussi puissance de résistance. Construire de grands espaces à partir d’éléments fragiles, à la lisière de la catastrophe et de l’altération. Les pointes s’inclinent, toutes vers l’avant, désignant leur chute possible, et se tiennent ainsi.