En chemins, 2020

Installation participative, adhésif imprimé de la carte de Cassini de Marseille et de ses environs / Workshop à l’EPM (Etablissement pénitencier pour mineurs) de Marseille, organisé par le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, Marseille.



A la suite de sa participation à l’exposition Des marches, démarches, par la transformation du plateau expérimental du FRAC en un paysage de flux graphiques, Anaïs Lelièvre est invitée à concevoir un workshop à l’EPM, établissement pénitencier pour mineurs. Le partage de son processus de travail pris la forme d’un cheminement collaboratif à partir du motif d’une cartographie.
Dans un sas au cœur de l’EPM, lieu de passage entre plusieurs espaces, une carte déploie de multiples chemins sur les murs, le sol et le plafond. Le motif imprimé sur adhésif est celui d’une ancienne cartographie dessinée à la main (carte de Cassini du XVIIIème siècle), avec un zoom avant sur Marseille et un zoom arrière sur ses environs, invitant à une promenade visuelle, comme si l’on s’approchait ou s’éloignait. Cette cartographie d’un autre temps montre un territoire dont on constate qu’il est aujourd’hui différent, et dont on imagine qu’il devrait encore évoluer. Les participants sont invités à activer cette transformation, en suivant le mouvement sinueux des chemins tracés pour les poursuivre autrement.
Le groupe de travail partit à l’aventure, en errance, sans connaître la suite, sans trajectoire prédéfinie. Nous avons cheminé, en proposant peu à peu des pistes, des hypothèses, qui n’ont cessé de se modifier et de s’amplifier. Les premiers découpages ont isolé des formes évoquant des figures vivantes, animales, notamment sous-marines. Puis, en collant ces éléments sur le mur, nous avons projeté de rassembler les grands morceaux dans une zone pour disséminer les plus petits autour. Mais un tentacule prolongé est devenu telle une grande route et ce chemin s’est ramifié en plusieurs chemins qui se sont développés dans toutes les dimensions et se sont rejoints. Ce hall, carrefour de circulation, s’ouvre désormais sur une sorte de grande carte, invasive et dans laquelle on peut entrer.
Cette carte arpentable ne figure aucun lieu existant. Elle transcrit son propre processus, ce cheminement collectif, et devient elle-même un lieu. Les “chemins de l’imagination”, dit un participant ; mouvement “sans fin” poursuit un autre. Les chemins de la vie aussi, avec des carrefours, des décisions de directions à prendre, des avancées, des tournoiements en rond, des aller-retour… et des rencontres au croisement de plusieurs chemins. Un réseau de liens entre tous les participants, la circulation du vivant, un réseau sanguin, une énergie collective, des palpitations. “A la fois désordonné et ordonné”, répond un regardeur.
Le regard circule à mesure que le corps se déplace, et découvre des effets visuels brouillant le proche et le lointain : un chemin arrivant à un angle se poursuit sur le mur immédiatement à côté mais aussi sur le mur au fond ou sur le plafond, qui sont pourtant à distance. A mesure que le visiteur déambule, l’illusion apparait pour disparaitre et laisser place à une autre, ailleurs. Au gré de la marche, l’observation semble sans fin, les chemins se combinant puis dissociant de multiples manières. Et l’ensemble pourra encore se poursuivre grâce aux chutes et morceaux restants, permettant de proposer de nouvelles ramifications, et de remplacer chaque fois différemment les parties usées au fil du temps.